martes, 14 de noviembre de 2017

ENTRE TIERRA Y MAR: ZWISCHEN LAND UND MEER

Ricardo González Villaescusa « F. Teichner, Entre tierra y mar: zwischen Land und Meer : Architektur und Wirtschaftsweise ländlicher Siedlungsplätze im Süden der römischen Provinz Lusitanien (Portugal), Mérida : Museo Nacional de Arte Romano, 2008 ». 2 vol: ill. plans, cartes. Résumé en espagnol, portugais, anglais et français, compte-rendu apparu en Bulletin de l'association AGER, 20, 2010, pp.47-48.

Table de matières

1. Einleitung: Vorgeschichte und Organisatorischer Rahmen des Forschungsprojektes
2. Forschungsgegenstand, Fragestellung und Vorgehensweise
3. Monte da Nora (Terrugem, Elvas, Alto Alemtejo)
4. Milreu (Estói, Faro, Algarve)
5. Cerro da Vila (Vilamoura)
6. Marmeleiros (Vilamoura, Quarteira, Loulé, Algarve)
7. Quinta da Abicada (Mexilhoeira Grande, Portimâo, Algarve)
8. Wohnbauten Ländlichersiedlungen zwischen der Späten Eisenzeit und der Frühen Mittelalte
9. Architektonische und Funktionale Analyse Derwirtschaftsbauten
10. Siedlungsgeschichtliche Auswertung
11. Zusammenfassungen
12. Details Römischer Bautechniken
13. Verbreitungslisten
14. Fundkatalog
15. Bibliographie
16. Anhang
17. Anlagen (PDF AUF CD)
(Compte rendu réalisé grâce aux résumés en diverses langues)

Les deux gros volumes qui totalisent plus de mille pages représentent la thèse d’Habilitation de l'auteur, par ailleurs engagé dans un programme de protection du patrimoine portugais. La région d'étude est le sud de la province de Lusitanie qui correspond au sud de l'actuel Portugal. La perspective est diachronique, depuis le monde indigène préromain jusqu’à la période islamique, entre le Ier siècle av. J.-C. et le Xe siècle de l'ère chrétienne, bien que l'analyse se concentre sur la transition entre le second Age du Fer,et l’arrivée des colons italiques consécutive à la conquête romaine. Le point de départ de l’étude est la comparaison entre les établissements de la côte lusitaine et un établissement de l'intérieur à caractère continental, proche de l’ancienne capitale Emerita Augusta (Mérida). Ce choix ne paraît pas bien justifié, tout comme la méthode d’analyse qui ne tient compte que de quelques sites majeurs, comme on pourra l’apprécier par la suite.

La réalisation de monographies pour chacun des sites (Monte da Nora, Milreu, Cerro da Vila, Marmeleiros et Quinta da Abicada) constitue donc la base de l'étude. C'est là qu'on apprécie le travail d'inventaire, d’interprétation, de propositions de restitution, de classification et d’analyse architecturale très fouillé et richement illustré par le deuxième volume qui contient les inventaires, la très riche bibliographie démontrant la bonne connaissance des publications ibériques par l'auteur, les annexes et plus de 200 planches.

À partir de la comparaison des techniques constructives et de l'occupation des différents établissements, l'auteur réinterprète les sites et leurs activités productives. Ainsi, les sites de tradition indigène dont les structures productives ne dépassent guère une activité de subsistance sont illustrés par l’établissement de Monte da Nora qui peut être assimilé à un vicus dont le toponyme antique pourrait être Montobriga.

En revanche, la villa de Milreu, dans le territoire de l'ancienne Ossonoba, représente les riches propriétaires dont les ressources principales proviennent de l'oléiculture (cinq pressoirs) et de la viticulture (trois pressoirs), ce qui correspond à la villa perfecta de Caton. L’établissement devient une riche villa suburbaine tardo-antique dont le fundus est doté de lieux de culte chrétien avant que ses habitants embrassent/adoptent la religion musulmane au IXe siècle.

Le développement historique de Marmeleiros et Cerro da Vila est étroitement lié. Les bases productives des deux établissements ruraux étaient communes : l'exploitation de la côte dans un espace marécageux pourvu d'un quai. L'abandon du premier site avant la fin du Ier siècle ap. J.-C., probablement en liaison avec le comblement de la lagune, conduit à la concentration de la population dans l’établissement de Cerro da Vila. Un processus généralisé de concentration de la production dans les grands sites au détriment des petits établissements, qui disparaissent, est mis en évidence. Dans les grands sites, la qualité des habitats et des programmes de construction conduit l'auteur à interpréter les lieux de production de salaisons et de pourpre comme des industries centralisées relevant d'une "économie de prestige" nécessitant un personnel qualifié. La production tardo-antique et wisigothique est bien supérieure à la simple subsistance comme le démontre la construction de nouveaux bassins (cetariae) en quantité non négligeable. À l'époque islamique est attestée une production fortement spécialisée de céramique vernissée.

Enfin, la villa de Abicada occupait un milieu deltaïque à proximité de Portimão et produisait du garum, avec une structure proche de celle des villae maritimae des IIIe-IVe siècles.

L'analyse amène l'auteur à proposer une lecture différente de la production de garum et de pourpre, qui apparaît comme une activité saisonnière complémentaire des activités agricoles et d'élevage. Pour lui, la ségrégation spatiale et l'incompatibilité des processus de production expliquent une division du travail impliquant que les produits dérivés de la pêche et la pourpre n'étaient pas fabriqués dans les villae mais dans des agglomérations secondaires, ou ce qu'il appelle des établissements marchands ou commerciaux. L'auteur soutient qu’à l’inverse de l'oléiculture et de la viticulture, qui demandent un investissement préalable, les ressources maritimes étaient accessibles à tous.

F. Teichner dresse ainsi un tableau régional montrant des campagnes riches, dédiées à l’exploitation des produits de la terre et de la mer (Entre tierra y mar du titre), mais sans interférences entre les investissements liés à l’une et l’autre de ces productions. À la suite de l’auteur, il faut mettre en rapport ce panorama avec la proche province de Bétique et les grandes productions d'huile. Il faut toutefois objecter à l'auteur que la production de pourpre étant un monopôle de l'État romain ce qui n'est pas le cas pour l’huile, la situation décrite en Lusitanie est bien loin d'être comparable aux petits établissements producteurs de pourpre repérés à Ebusus. Faut-il voir dans ces différences une variabilité régionale ou bien un processus de concentration et de centralisation émanant de l'autorité de l'État romain dès le IIe siècle ?

Pour le reste, c'est un travail qui montre la diversité des campagnes lusitaines : diversité sociale, économique, ethnique..., qui se traduit par une diversité des établissements, des manifestations architecturales et des modes d'occupation du sol. Cependant, bien que les sites étudiés soient importants et la vision beaucoup plus large que le seul corpus analysé, on peut se demander si les conclusions seraient identiques si l'analyse avait été conduite à partir de prospections systématiques réalisées dans des espaces significatifs autour des établissements de référence. Les résultats auraient probablement pu nuancer les contrastes évidents existant entre les deux zones.

L'ouvrage restera une référence sur les campagnes ibériques et plus précisément sur les campagnes du sud de la Lusitanie, témoignant d’une connaissance approfondie de la réalité de terrain comme de la bibliographie ibérique (ce qui n'est pas toujours évident). Il s’agit d’un travail de révision et de réinterprétation des données archéologiques et muséographiques qui a un intérêt majeur pour la connaissance, la protection et la mise en valeur du patrimoine antique portugais