sábado, 25 de diciembre de 2021

VILLAJOYOSA ANTIQUE (ALICANTE, ESPAGNE). TERRITOIRE ET TOPOGRAPHIE.


Reseña de R. González Villaescusa, de Rouillard, Pierre - Espinosa, Antonio - Moratalla, Jesús (dir.): Villajoyosa antique (Alicante, Espagne). Territoire et topographie. Le sanctuaire de La Malladeta, 338 p., 152 ill., 21 x 29,7 cm, ISBN 978-84-15636-62-5, 55 €; (Casa de Velázquez, Madrid 2014), aparecido en Histara-les comptes rendus. Histoire de l'Art, histoire de représentations et archéologie, décembre, 2021.

 
Nombre de mots : 1326 mots
Publié en ligne le 2021-12-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2275
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         Comme annoncé dans l’introduction par l’auteur principal, cet ouvrage est le résultat d’une série de rencontres. Une fouille programmée, des fouilles préventives, une compilation de données éparses mises en commun pour offrir une synthèse autour du territoire actuel de Villajoyosa (Alicante, Espagne). C’est aussi la rencontre de différents institutions, musées et chercheurs locaux, ainsi que la MAE Réné Ginouvès et l’UMR 7041 ArScAn ou l’École des hautes études hispaniques et ibériques (EHEHI) de la Casa de Velázquez de Madrid, qui a créé les synergies nécessaires qui ont permis, avec cet ouvrage, une avancée considérable sur la connaissance archéologique de cette petite ville de la côte méditerranéenne.

       L’agglomération actuelle de Villajoyosa accueille des vestiges d’époque romaine et ibère, ainsi qu’une inscription qui met en évidence l’existence d’une communauté civique promue au rang de municipium, très probablement par l’édicte de municipalisation de Vespasien concernant les Espagnes. Mais l’agglomération antique n’a jamais fourni la preuve définitive d’une réduction du probable toponyme ibère hellénisé : Alonis, latinisé plus tard en Allon. Mais les travaux recueillis dans cette publication cherchaient plutôt à comprendre le site de la Malladeta, un site connu depuis longtemps par la trouvaille aux environs d’une statuette ibère en bronze et par les différentes trouvailles de surface de brûle-parfum. L’intervention sur le site visait à caractériser celui-ci par la fouille archéologique et son insertion dans un cadre territorial plus large. 

       C’est ainsi que l’étude s’organise en deux grandes parties (Chapitres) : le premier, de 35 pages, est l’Analyse des réseaux géographiques du término de Villajoyosa dont les auteurs, Sandrine Robert et Laurent Costa, essayent de comprendre la structuration du territoire et l’insertion du peuplement historique dans l’espace géographique défini. Le deuxième chapitre, de 130 pages : « La Malladeta, un sanctuaire de frontière », dont l’équipe pilotée par P. Rouillard procède à la description de la réalité matérielle de la fouille du site, les couches stratigraphiques, le mobilier et une inscription en latin, afin de comprendre la chronologie de l’occupation et les influences culturelles du site. Une conclusion générale permet de proposer la synthèse des connaissances du site et du territoire et l’interprétation de celui-ci comme un probable sanctuaire de frontière. L’ouvrage est conclu par trois Annexes en 120 pages qui reproduisent l’inventaire du mobilier, l’inventaire des sites et l’étude de la malacofaune. La bibliographie d’environ 300 titres et les index géographiques et de figures et la table de matières rendent la consultation aisée et très pratique d’une belle édition comme il est la norme des publications de la Casa de Velázquez (figures couleur, cartes, plans, photographies, coupes et stratigraphies…).

       Le Chapitre I sur les réseaux géographiques démarre par une introduction historiographique à propos de « La recherche sur les parcellaires ibériques et antiques » en Espagne qui permet de comprendre la filiation de la recherche espagnole et française sur cette thématique. Les données physiques (bassins de visualisation, pentes, altimétrie…) sont intégrées dans un Système d’Information Géographique (SIG) aux trames parcellaires et réseaux viaires identifiés sur le territoire ainsi que celles de l’occupation du territoire. L’analyse archéogéographique résultante permet d’identifier de grands axes morphogénétiques cohérents avec les grands traits du relief qui deviennent des trames parcellaires. Celles-ci démarrent avec l’occupation de l’époque ibérique et se renfoncent à l’époque romaine (page 41), mais les interventions médiévales sur le territoire ont incorporé les orientations anciennes dans l’aménagement de l’espace agraire et la morphologie urbaine.

       Le grand Chapitre II montre l’établissement humain sur le petit promontoire de la Malladeta. Un site perché dominant la baie de Villajoyosa. L’occupation de cette espace s’échelonne entre une phase plus ancienne datant entre 375 et 100 av. J.-C. correspondant à la première époque des contacts méditerranéens mis en évidence seulement par un mobilier (vases attiques et amphores puniques dont certaines sont originaires de la proche île d’Ibiza) qui n’est pas associé aux phases constructives. Les constructions attestées datent plutôt d’une phase ibérique récente et du Haut-Empire (entre 100 et l’époque augustéenne, puis flavienne) dont l’architecture en pente s’organisait en gradins. Le mobilier associé à cette phase se caractérise par l’absence de trouvailles propres d’ambiances domestiques : vaisselle de table et amphores et absence de conteneurs de stockage et de restes d’alimentation, mais surtout par la présence de brûle-parfums, auxquels s’ajoute un fragment d’une inscription votive en plomb (AE, 2014, 743) qui confirme la vocation cultuelle du site.

       La « Conclusion générale » de six pages est consacrée à l’interprétation des vestiges et à l’insertion du site dans le territoire. D’abord, l’occupation du site est définie par une longue première phase de presque trois siècles (375-100 av. J.-C.) seulement reconnue par le mobilier résiduel. Une deuxième phase d’à peine deux générations (100-25 av. J.-C.), et une dernière phase d’un siècle et demi, entre l’époque augustéenne et la fin du premier siècle en époque vespasienne, quand le site est définitivement abandonné, moment coïncidant avec le probable accès au statut de municipium de la proche agglomération d’Allon (?). La fin de l’occupation du site est interprétée comme la prise du relais d’un bâtiment de culte méconnu dans la proche agglomération antique à moins de deux kilomètres de la Malladeta.

       La discussion se centre sur la caractérisation et définition de ce lieu de culte. La fonction religieuse est définie en négatif : absence de tout reste de foyers, vases de stockage, fusaïoles, pesons ou meules propres des contextes domestiques) ; ou bien en positif : 172 brûle-parfums, un bronze ibère (statuette ex-voto) et une inscription votive. Il est ainsi défini comme un sanctuaire à l’aire libre, dans un promontoire monumentalisé qui dominait la baie hors l’espace urbain. La topographie dominant la vaste baie, la singularité du paysage et le vide de peuplement au sud du site jusqu’à environ une quinzaine de km dans une « frontera desierto » comme le disait déjà le maître E. Llobregat dans sa Contestania ibérica (1972), amène les auteurs à proposer une interprétation comme un sanctuaire-phare (page 179), un sanctuaire marin, lieu de rencontre et amer de la navigation côtière.

       Nos sommes en présence d’un ouvrage d’archéologie. Cette affirmation ne me semble pas banale, car les ouvrages de synthèse qui épargnent au lecteur-chercheur la démonstration stratigraphique, couche par couche et fragment de céramique par fragment de céramique se font de plus en plus fréquents. La connaissance historique arrive à partir de la description du site, de son environnement, du contexte de peuplement qui l’entoure, des variables physiques et de la chronologie basée sur l’interprétation prudente des données provenant de la fouille, des tessons et de sa position dans les couches ainsi que de la comparaison du type de mobilier avec d’autres sites-sanctuaires : couches et tessons, types de vaisselle et fonctionnalité, établissements et trames viaires et parcellaires font partie d’argumentations bien exposées et parfaitement illustrées et éditées. L’ensemble est une somme de connaissance d’un territoire, une vraie carte archéologique suivie d’une réflexion à partir de la comparaison et la discussion des arguments qui définissent la fonction principale du site dans son contexte humain… What else ?

Table des matières

Introduction, Pierre Rouillard, 1

Historia de las investigaciones y prospectiva, Antonio Espinosa, 3

ANALYSE DES RÉSEAUX GÉOGRAPHIQUES DU TÉRMINO DE VILLAJOYOSA

I. - La recherche sur les parcellaires ibériques et antiques, Sandrine Robert, 7

II. - Sources et méthodes, Laurent Costa, 12

III. - Les résultats de l’analyse archéogéographique, Sandrine Robert, Laurent Costa, 21

LA MALLADETA, UN SANCTUAIRE DE FRONTIÈRE

I. - Le programme de fouille, Pierre Rouillard, 43

II. - Un cap, des pentes : une structure géologique déclive, Cyril Gagnaison, Christian Montenant, 47

III. - Estratigrafía de cada uno de los sectores, Jesús Moratalla, Amanda Marcos, Eric Gailledrat, 49

IV. - Architecture et urbanisme, Pierre Rouillard, Laurent Costa, 94

V. - Los materiales muebles, Antonio Espinosa, Amanda Marcos, 108

VI. - Les terres cuites, Frédéric Horn, Jesús Moratalla, 156

VII . - Un fragmento de plomo con inscripción latina, Juan Manuel Abascal, 172

CONCLUSION GÉNÉRALE. - LA FONCTION DE LA MALLADETA, Pierre Rouillard, Antonio Espinosa, Jesús Moratalla, Laurent Costa, 175

Annexes /Anejos

Annexe I /Anejo I.- Inventario del material de cada uno de los sectores, Antonio Espinosa, Amanda Marcos, 181

Annexe II /Anejo II.- Inventario de los yacimientos arqueológicos, Diego Ruiz, Antonio Espinosa, Laurent Costa, 239

Annexe III /Anejo III.- La malacofauna, Agustí Galiana

Bibliographie, 305

domingo, 12 de diciembre de 2021

CARBONE 14, LE MAGAZINE DE L'ARCHÉOLOGIE

Que savons-nous des cités romaines ? Entretien sur France Culture de Radio France, programme Carbone 14, émission du 11 décembre 2021.

Nous le savons, Rome est avant tout une idéologie de la centralité, puisqu’elle se compose de douze voies qui la relient au reste du monde, au monde des villes notamment. Ainsi, environ 2 700 cités parsemaient l’empire romain, durant l’antiquité.

Cryptoportique sous le forum de la ville d'Augusta Prætoria (Aosta, Italie). 
Crédits : © Esther Vidal Ros-EOX
Pour se faire une idée du monde urbain romain, quoi de mieux que cette extraordinaire carte, la fameuse Table de Peutinger. Celle-ci nous permet déjà d’apprécier la hiérarchie entre les villes et les petites agglomérations, voire relais routiers des itinéraires. 8 000 kilomètres de l’œkoumène y figurent, la terre habitée, de la côte anglaise et la Manche jusqu’à l’Inde.
Détail de la table de Peutinger autour de Rome
Crédits : Wikimedia Commons
Tombées dans l’oubli, nombre d’entre elles, désormais anonymes, restent, de nos jours, enfouies sous les labours, voire les forêts, car, rappelons-le, les villes, les cités meurent aussi. D’autres, plus chanceuses, ont toutefois perduré, sous des mètres et des mètres de déblais, et sont partiellement exhumées à l’occasion d’aménagements urbains : c’est bien entendu le cas de Lyon, Arles, Nîmes, Bordeaux, Rennes, Reims ou Paris…

Curieusement, on ne dit pas villes, mais cités romaines, donc, le magazine d’archéologie de France Culture ouvre le dossier de ces cités, de leur urbanisme, de leur vie. Ainsi, on y apprend que la fondation de Londres (Londinium) créée par les Romains vers l’an 43, puis son développement, sont intimement liés à la consommation du cabillaud, des milliers d’arêtes et de vestiges de ce poisson ayant été retrouvés jusqu’au Ve siècle de notre ère, date du déclin de la cité.

Prélèvements sédimentaires dans l'égout d'Augusta Prætoria 
(Aosta, Italie). Crédits : © R. González Villaescusa
Nous en parlons avec Ricardo González-Villaescusa, professeur d’Archéologie de la Gaule et du Nord-Ouest européen à Université Paris-Nanterre.

 

Pour en savoir plus